Le cadeau derrière le cadeau
SOCIAL 10 déc. 2018

Le cadeau derrière le cadeau


C’est l’incontournable à l’approche des fêtes : le cadeau de fin d’année ! Mais savez-vous qu’en offrant un foulard de marque ou une bouteille millésimée à vos salariés, se cache derrière un cadeau des impôts. Attention à ne pas dépasser le seuil.

 

DES CADEAUX IMPOSABLES ET SOUMIS À COTISATIONS …

L'article L.242-1 du code de la Sécurité sociale dispose : « Pour le calcul des cotisations […] sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, […], primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature […] ».

Bons cadeaux et d’achat, bijoux, boites de chocolat,… offerts aux salariés par l’employeur sont donc par principe (à moins qu’ils ne soient constitutifs d’un secours), soumis aux cotisations de Sécurité sociale, s’agissant au sens strict, d’avantages que l’employeur choisit, par sa seule volonté, d’octroyer ou non, à ses salariés.

La valeur des cadeaux doit donc être saisie en « avantage en nature » au niveau du bulletin de paie des salariés/bénéficiaires afin d’être soumise à impôts et cotisations sociales, et déclarée au niveau de la Déclaration sociale nominative (DSN).

 

...SAUF SI

L’URSSAF, retenant l’approche bienveillante de ces avantages, admet par tolérances ministérielles que, sous certaines conditions, ce type d’avantages soit exonéré du paiement des cotisations et contributions de Sécurité sociale.

 

Tout d’abord, lorsque le montant global de l’ensemble des bons d’achat et cadeaux attribués à un salarié au cours d’une année civile n’excède pas 5 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale (soit 166 € en 2018), ce montant est non assujetti aux cotisations de Sécurité sociale.

En cas de dépassement de ce seuil sur l’année civile, il convient de vérifier pour chaque événement ayant donné lieu à l’attribution de bons d’achat, si les trois conditions sont remplies.

Les trois conditions cumulatives sont les suivantes :

1 - L'attribution du cadeau ou du bon d’achat doit être en lien avec l’un des événements expressément prévus par l’Administration :

  • la naissance, l’adoption,
  • le mariage, le pacs,
  • le départ à la retraite,
  • la fête des mères, des pères,
  • la Sainte-Catherine, la Saint-Nicolas,
  • Noël pour les salariés et les enfants jusqu’à 16 ans révolus dans l’année civile,
  • la rentrée scolaire pour les salariés ayant des enfants âgés de moins de 26 ans dans l’année d’attribution du bon d’achat (sous réserve de la justification du suivi de scolarité au sein d’un établissement d’enseignement : élémentaire, collège, université, lycée professionnel, centre d’apprentissage,…).


IMPORTANT : Le salarié-bénéficiaire doit être concerné par l’évènement pour que l’avantage octroyé puisse éventuellement être exonéré. L’avantage ne peut toutefois conduire à introduire une forme de discrimination au niveau de l’entreprise.

Pour illustrer son propos, l’URSSAF prend l’exemple de la Saint-Nicolas.
L’exonération des bons d’achat attribués à l’occasion de la Saint-Nicolas se limite aux bons d’achat destinés aux hommes non mariés qui fêtent leur 30e anniversaire (à l’instar de la Sainte-Catherine qui célèbre les femmes non mariées fêtant leur 25e anniversaire).  Ainsi, l’attribution à l’occasion de la Saint-Nicolas de bons d’achat et de cadeaux en nature aux enfants et aux écoliers dans l’Est et le Nord de la France (à l’instar des fêtes de Noël) ; ou de toutes autres pratiques résultant d’usages locaux (Sainte-Barbe…), ne peut être exonérée de cotisations et contributions sociales au risque d’introduire une discrimination entre les salariés selon les « coutumes locales » en vigueur dans leur région.

 

2 - Existence d’un lien direct entre l’avantage octroyé et l’évènement pour lequel il est attribué.

Le bon d’achat doit permettre l’acquisition de biens directement en lien avec l’évènement. Il en va de même pour le cadeau qui doit être en relation avec l’évènement célébré.

Un foulard en soie ne peut, à titre d’exemple, être offert aux salariées à l’occasion de la rentrée scolaire ! Dans notre exemple, si l’avantage prend la forme d’un bon d’achat, ce dernier devra permettre l’accès à des biens en rapport avec cet événement (fournitures scolaires, livres, vêtements, micro-informatique).

Dans le même esprit, les bons d’achat ne peuvent être échangés contre du carburant ou des produits alimentaires, exception faite, en fin d’année, pour les produits alimentaires festifs dits de luxe (foie gras, champagne,…).

À NOTER : La date de remise du cadeau ou du bon a son importance. La date constitue en effet l’un des éléments permettant d’établir le lien de causalité entre le bien octroyé et l’évènement le justifiant. Ainsi, la délivrance tardive du bon d’achat « rentrée scolaire », en décembre, au lieu du mois de septembre, a pour effet de faire correspondre le bon d’achat à la scolarité et non à l’événement que constitue la rentrée scolaire. Dans ce cas, la valeur du bon d’achat devra être assujettie aux cotisations de Sécurité sociale.

3 - Le montant de l’avantage doit être conforme aux usages.

Un seuil de 5 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale (166€ en 2018) est appliqué par événement et par année civile.

Les bons d’achat sont donc cumulables, par événement, s’ils respectent le seuil de 5 % du plafond mensuel.

Dans le cas particulier où deux conjoints travaillent dans la même entreprise, le seuil s’apprécie pour chacun d’eux.

Si ces trois conditions ne sont pas simultanément remplies, le bon d’achat est soumis aux cotisations de Sécurité sociale pour son montant global, c’est-à-dire, en totalité et dès le 1er euro.


IMPORTANT : La tolérance visant à exonérer les bons d’achat ou cadeaux, sous certaines conditions, ne s’applique pas aux bons d’achat ou cadeaux versés par l’employeur en cas d’existence d’un CE/CSE. Il ne s’agit que d’une tolérance. Elle repose sur des textes dépourvus de valeur juridique et donc non opposable. Ainsi, même en respectant les différentes conditions, vous n’êtes pas à l’abri d’un redressement (voir encadré). Il est donc fortement conseillé d’interroger l’URSSAF, par le biais d’un rescrit, à chaque attribution de bons. Ainsi, vous serez en possession d’une décision, qui sera au moins opposable à l’URSSAF en cas de contrôle.

 

Une tolérance aux pieds d’argile

À l’occasion d’un arrêt rendu le 30 mars 2017 (Cass. civ. 2, 30 mars 2017, n° 15-25.453), la Cour de cassation a jugé que la circulaire ACOSS N° DSS/5B/2011/415 du 9 novembre 2011 qui prévoit la tolérance concernant les cadeaux et bons d’achat, de même qu’une précédente lettre ministérielle sur le sujet, datée du 12 décembre 1988, n’ont pas de valeur juridique. Les juges et l’URSSAF ne sont donc liés par cette tolérance. Les seules circulaires ou instructions opposables à l’URSSAF sont celles du ministre chargé de la Sécurité sociale dès lors qu’elles ont été régulièrement publiées.

Par cette décision, la Cour de cassation a rendu possibles les redressements sur les bons cadeaux non intégrés à l’assiette des cotisations sociales.

Le gouvernement a tenté, il y a quelques mois, d’encadrer la tolérance administrative applicable aux cadeaux et bons cadeaux, se servant du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019. L’exécutif voulait offrir un cadre juridique à certains avantages. En effet, aujourd’hui, si certains avantages peuvent être exonérés de cotisations sociales sur des bases juridiques législatives ou réglementaires, opposables aux URSSAF, d’autres ne le sont que sur la base de simples tolérances de l’administration, difficilement opposables en cas de litige ; tel est le cas des cadeaux servis par l’employeur ou le CE/CSE. Fondement rappelé en l’espèce par la Cour de cassation en mars 2017. L’idée était donc de fixer un cadre légal unique, clair et sécurisant.

En substance, l’amendement au PLFSS, adopté par les députés limitait le montant des avantages pouvant faire l’objet d’une exonération de cotisations. Face aux fortes contestations des députés de l’opposition et des partenaires sociaux, s’insurgeant de cette nouvelle « taxation » des avantages servis par le CE/CSE ou par l’employeur, la mesure a momentanément été abandonnée. Le Sénat a en effet supprimé, le 13 novembre 2018, le litigieux article 7 bis introduit par l’Assemblée nationale.

Le débat n’est pas pour autant clos puisque Gérald DARMANIN a annoncé, par la suite, la mise en place d’un groupe de travail rassemblant les représentants du réseau des URSSAF, les partenaires sociaux et les parlementaires. L’objectif étant d’élaborer un cadre légal au régime social des avantages versés par le CE/CSE, probablement applicable en 2020.

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