L’opposabilité d’une notice de déclaration : la bonne nouvelle de l’été ?
FISCAL 13 juil. 2023

L’opposabilité d’une notice de déclaration : la bonne nouvelle de l’été ?


Par un arrêt du 20 juin 2023, le Conseil d’Etat vient de reconnaitre l’opposabilité à l’administration fiscale d’une déclaration fiscale et de sa notice d’aide. Quelle est la portée de cette décision pour les contribuables ?

Faits et procédure

Au cours de l’année 2010 M. et Mme. A, résidents français, ont perçus des dividendes de source togolaise, pays avec lequel la France a une convention fiscale prévoyant, afin d’éliminer la double imposition des dividendes, un mécanisme de crédit d’impôt à un taux de 25 %. Lors de la souscription de leur déclaration d’impôts relative à l’année 2010, M. et Mme. A ont renseigné l’imprimé n° 2047 relatif aux revenus perçus à l’étranger en indiquant un crédit d’impôt calculé sur la base d’un taux de 37,5 % (taux dit « décote africaine ») en application de la formule figurant sur la notice explicative établie par l'administration fiscale à laquelle renvoyait le formulaire de déclaration n° 2047.

L'administration fiscale a remis en cause le montant de ce crédit d'impôt au motif que le taux de 37,5 % n'était plus applicable aux dividendes de source togolaise depuis une modification de la doctrine administrative applicable à compter des revenus perçus en 1996. Elle a ainsi diminué le montant du crédit d'impôt en le calculant sur la base du taux de 25 % prévu par la convention fiscale franco-togolaise.

Cette diminution du montant du crédit d’impôt a amené pour M. et Mme. A à un rehaussement d’impôt sur le revenu et de cotisation, accompagnés des pénalités et intérêts de retard correspondants. Ils ont ainsi contesté cette remise en cause en justice.

Le tribunal administratif de Versailles puis la cour administrative d’appel de Versailles ont rejeté leur demande. M. et Mme. A se sont donc pourvus en cassation devant le Conseil d’Etat, dont les 9ème et 10ème chambres réunies ont statué par un arrêt n°462501 du 20 juin 2023, sur l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles et du renvoi de l’affaire vers cette même juridiction.

Solution retenue et analyse

Le litige consistait à examiner si le montant d’un crédit d’impôt calculé en application des termes utilisés dans une déclaration et sa notice pouvait entrer dans le champ d’application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales (ci-après « LPF »), dans sa rédaction en vigueur au titre de l’année d’imposition en litige.

Cette disposition indique qu’ « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.

Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ».

Le Conseil d’Etat a d’abord retenu que la remise en cause par l'administration fiscale d'un crédit d'impôt imputé sur l'imposition primitive d'un contribuable constitue un rehaussement au sens et pour l'application des dispositions du premier et du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF.

Puis, il a rappelé le principe classique selon lequel « un formulaire de déclaration ou une notice explicative ne sont pas au nombre des instructions ou circulaires que publie l'administration fiscale pour faire connaître son interprétation des textes fiscaux » et qu’ainsi, en principe, ces écrits ne sont pas opposables à l’administration en application de cet article L. 80 A du LPF.

Le Conseil d’Etat a, ensuite, apporté une nuance en indiquant qu’ « il en va différemment lorsque ces documents, mis à la disposition des contribuables sur son site internet ou sur demande, comportent une interprétation formelle de la loi fiscale ». Qu’ainsi une analyse de fond du contenu de la déclaration ou de la notice devait être effectuée. Il avait d’ailleurs déjà retenu une telle interprétation s’agissant d’une notice dans des décisions de 1992 (CE, 26-06-1992, n° 71165 et 71185).

La haute juridiction administrative effectue donc une analyse in concreto pour étudier en détail les mentions contenues dans la déclaration et la notice auxquelles M. et Mme. A s’étaient référés de bonne foi afin d’établir leur déclaration. Or, en l’espèce, la documentation officielle ne comportait aucune mention explicite du retrait, à compter de 1996, des dividendes de source togolaise du champ du crédit d'impôt « décote africaine » puisque l’administration s’était contentée de supprimer le Togo de la liste des pays en bénéficiant. Or, le formulaire de déclaration indiquait le Togo dans la liste des Etats bénéficiant de la mesure de faveur de la « décote africaine » lorsque M. et Mme. A avaient souscrit leur déclaration. Ce formulaire renvoyait ainsi à la disposition n° 12, relative à la formule de calcul du taux, de sa notice explicative, et qu'en outre, cette notice, indiquait que le contribuable y trouverait « toutes les explications nécessaires ».

Ainsi, selon le Conseil d’Etat, bien que la formule préliminaire de la notice indique qu’elle ne se substituait pas à la documentation officielle de l’administration, le formulaire déclaratif et la notice explicative l’accompagnant devaient être regardés comme comportant « une interprétation formelle de la loi fiscale » et qu’ainsi les contribuables pouvaient s’en prévaloir sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF.

À NOTER
Le Conseil d’Etat dans cet arrêt n’élargit pas le champ des documents opposables à l’administration à toutes les déclarations et notices mais effectue une analyse in concreto qui ne peut pas être généralisée à l’ensemble des propos contenus dans les déclarations et les notices y afférentes.

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